mardi 10 avril 2012

Le nucléaire est incompatible avec les valeurs de gauche


Par Stéphane Lhomme, le 10 avril 2012.


Lire aussi "Sortir du nucléaire, oui, mais sans référendum !"
et " Pour un grand Front de la Gauche et de l'écologie"



Certains arguments pour ou contre le nucléaire peuvent être défendus par les citoyens indépendamment de leurs opinions politiques. Par contre, ce débat prend une dimension particulière lorsqu'on se reconnaît dans les valeurs de gauche. Petit inventaire…



Le nucléaire a été imposé par la violence et la répression

La construction de toutes les installations nucléaires, principalement dans les années 70 et 80, a été contestée par d'importantes manifestations populaires. Ces dernières ont été violemment réprimées par l'Etat français, à grands renforts de compagnies de CRS et de gendarmes mobiles, y compris sous des gouvernements de gauche (après mai 1981). Continuer aujourd'hui à justifier l'existence et le fonctionnement de ces installations revient à tirer parti du fait accompli et à justifier de la violence utilisée à l'époque.


Le nucléaire se maintient par la répression et l'intimidation

Aujourd'hui encore, en France comme dans les autres pays nucléarisés, les citoyens qui s'opposent à l'atome sont fichés, surveillés, espionnés, perquisitionnés, arrêtés. Puisque le nucléaire est trop dangereux pour laisser les citoyens s'y intéresser (au risque de favoriser les desseins malveillants de fous ou de terroristes), alors, au nom des valeurs de gauche, il faut renoncer à cette énergie.


Les alternatives créent beaucoup plus d'emplois que le nucléaire

Après avoir longtemps soutenu le nucléaire, le grand syndicat allemand IG METALL a totalement changé de position au nom de l'emploi, après avoir constaté les résultats des plans alternatifs (économies d'énergie, énergies renouvelables) lancés en 2000 en même temps que la sortie du nucléaire. Le nucléaire est finalement assez peu créateur d'emplois, et il faut aussi se poser la question de la qualité de ces emplois (voir point suivant).


Des salariés sont obligatoirement irradiés pour la maintenance des centrales

La maintenance des centrales nucléaires implique nécessairement que des salariés aillent dans des zones irradiantes au détriment de leur santé. Même s'ils sont "bien suivis" (ce qui n'est pas toujours vrai), ces irradiations ont des conséquences inévitables à court ou moyens terme. Il est incompatible avec les valeurs de gauche que des salariés soient irradiés pour simplement gagner leur vie.


Le nucléaire implique une politique néocoloniale et des relations avec les dictateurs

La France importe 100% du combustible qu'elle utilise pour faire fonctionner ses réacteurs nucléaires, l'uranium. Les mines d'uranium causent des dommages dramatiques à l'environnement (contaminations, assèchement de nappes phréatiques, etc) et les premières victimes sont les populations autochtones : Touareg au Niger, Indiens au Saskatchewan (Canada), Aborigènes en Australie, etc. La France impose d'ailleurs une politique néocoloniale au Niger d'où elle puise la majorité de "son" uranium. D'autre part, la France vient de passer des accords avec Nazarbaev, le dictateur du Kazakhstan, pour accéder à ses réserves d'uranium.


Les populations des pays pauvres rejettent le nucléaire

Certains tentent de justifier le nucléaire par le fait que des millions de gens n'ont pas accès à l'électricité, en particulier dans les pays pauvres. Or, tout en réclamant l'accès à l'électricité, les populations pauvres rejettent le nucléaire. C'est par exemple le cas actuellement en Inde ou les populations locales se mobilisent contre des projets de centrales nucléaires à Jaitapur (projet du français Areva !) et dans le Tamil nadu. La police indienne réprime violement ces mobilisations : il y a déjà un mort (à Jaitapur) et des manifestants arrêtés et menacés de prison à vie. C'est encore plus intolérable quand on se revendique des valeurs de gauche.


Le démantèlement et les déchets nucléaires sont légués aux générations futures

Ceux qui construisent et exploitent des centrales nucléaires ne sont plus là le moment venu pour assumer, face aux générations futures, le démantèlement de ces centrales et les déchets radioactifs qu'elles ont produit. Par exemple, 10 réacteurs nucléaires de première génération sont arrêtés depuis plus de 20 ans en France, et attendent toujours d'être démantelés. Risques environnementaux, financements toujours  sous-estimés… il est injustifiable de laisser ces graves problèmes à nos enfants. Prétendre que "la recherche trouvera bien des solutions" est une façon de se dédouaner à bon compte avec des promesses plus qu'incertaines. Les gens qui consomment de l'électricité aujourd'hui doivent assumer sur une génération les conséquences de cette consommation, et ne pas laisser le problème aux générations futures.


Les plus faibles sont les principales victimes des accidents nucléaires

Comme le montre hélas le drame de Fukushima, les gens les plus faibles et les plus pauvres sont les principales victimes des catastrophes nucléaires : ceux qui en ont les moyens peuvent aller s'installer ailleurs mais, de nombreux reportages le prouvent, beaucoup de personnes âgées et de familles pauvres restent dans les zones contaminées, avec de graves conséquences à court ou moyen terme sur la santé des enfants. Il serait totalement dérisoire à répondre à ce problème en promettant : "En cas de catastrophe nucléaire, nous évacuerons tout le monde, même les pauvres et les personnes âgées".


Il est finalement clair que le nucléaire est par nature incompatible avec les valeurs de gauche.