Dans son édition du 27 décembre, Libération pointe les plus gros "bobards" de l'année, à savoir les déclarations les plus fausses ou mensongères des politiques en 2011.
On s'étonnera de ne pas voir figurer dans ce dossier la sidérante déclaration de M Sarkozy qui, en déplacement au Japon le 31 mars a osé prétendre que "avec le réacteur nucléaire français EPR, la catastrophe de Fukushima n'aurait pas eu lieu".
Faut-il relier ce très surprenant oubli de Libération avec le fait que, depuis cet été, le conseil de surveillance du journal est présidé par Anne Lauvergeon ? En effet, même si celle-ci n'est plus à la tête de l'entreprise nucléaire Areva, elle reste une grande prêtresse de l'atome et en particulier… du fameux réacteur EPR, dont elle n'a cessé de faire la promotion ces dernières années.
Il est tentant de penser que Mme Lauvergeon n'a pas souhaité que le mensonge élyséen soit pointé dans le dossier de Libération, car cela aurait de fait mis en exergue son aveuglement pro-EPR depuis des années. Il aurait d'ailleurs été logique de rappeler au passage que Mme Lauvergeon s'était elle-même ridiculisée en prétendant "Fukushima n'est pas une catastrophe".
Nul doute que, comme il l'a fait lors de l'intronisation de Mme Lauvergeon, le directeur de la rédaction de Libération jurera de sa "totale indépendance". Mais, cette affaire en est la démonstration, comment en être vraiment persuadé quand le conseil de surveillance est présidé par une personne aussi impliquée dans un des thèmes de société les plus brûlants du moment ?
En effet, et c'est encore plus vrai depuis le déclanchement de la catastrophe de Fukushima, la question du nucléaire est régulièrement au cœur de l'actualité mais aussi du débat politique, comme l'a illustré la récente polémique entre Europe écologie et le PS.
La déclaration pro-EPR de M Sarkozy est assurément un des pires "bobards" de l'année, de par la gravité de la catastrophe de Fukushima et du fait que cette déclaration a précisément été faite au Japon. Mais surtout parce que, contrairement aux affirmations récurrentes de Mme Lauvergeon depuis des années, le réacteur EPR est probablement un des plus dangereux qui soit.
Conçu au début des années 90 - il est vieux avant même d'entrer en service ! - l'EPR est une véritable "usine à gaz", improbable mélange du réacteur français N4 et de l'allemande Konvoi. Il est d'ailleurs si complexe que même Areva et EDF n'arrivent pas à le construire, les chantiers respectifs de Olkuiloto (Finlande) et de Flamanville (France) rivalisant de retards, de malfaçons et de surcoûts : la facture finale sera au moins de six milliards alors que Anne Lauvergeon est responsable d'un des plus grands flops commerciaux de l'Histoire en ayant vendu l'EPR à la Finlande… pour seulement 3 milliards.
A Fukushima, ce n'est pas la structure même des réacteurs qui a été mise à mal mais bien les systèmes de refroidissement et les groupes électrogènes de secours, frappés par le séisme puis par le Tsunami. L'EPR n'aurait pas fait mieux que n'importe quel autre réacteur, c'est une certitude.
D'ailleurs, le 30 mars, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française, André-Claude Lacoste, a demandé un moratoire sur la construction de l'EPR… avant de se rétracter dès le lendemain matin : c'était le jour de l'arrivée de M Sarkozy au Japon, précisément pour y lancer son "bobard" pro-EPR ! On imagine sans peine les pressions élyséennes sur M. Lacoste qui, du coup, était à la première heure dans les radios pour affirmer… l'inverse de ce qu'il disait la veille !
Et dire qu'il y a encore des gens pour prétendre que le nucléaire est une énergie "propre", que l'EPR est un réacteur "sûr", que l'Autorité de sûreté nucléaire est "indépendante" et… qu'il n'est pas problématique que le journal Libération soit placé sous la haute surveillance de Mme Lauvergeon !